Paul MIFSUD le 9/11/98


RECIT TÉMOIGNAGE DE PAUL MIFSUD Évadé de France en 1943


Des Rives de la Garonne à la Méditerranée

Journal de guerre d'un marin du Torpilleur « Tempête » 1943--1945

Avertissement: Le récit que vous allez lire ici est la transcription fidèle du journal de guerre de Monsieur Paul MIFSUD, né en 1925. Le texte et des photos m'ont été gracieusement transmis afin de perpétuer la mémoire de ces Français « indociles » qui prirent la folle décision de s'évader de la France occupée pour rejoindre la France Combattante en Afrique du Nord, en 1943, c'est-à-dire avant les débarquements alliés.

Paul MIFSUD, 25 oct. 43,

le départ et les adieux

RETOUR à L' HISTOIRE de Robert LEON, mon père ou lien vers d'autres récits d'Evadés de France

J'ai une pensée émue pour mes seize compagnons d'infortune embarqués dans la même galère lors de notre passage des Pyrénées ainsi que pour tous ceux qui à la même époque ont franchi ces montagnes au péril de leur vie, pour ceux aussi qui ont échoué dans cette hasardeuse entreprise et qui ont été arrêtés et déportés par les Allemands, ceux enfin qui y ont été tués par les troupes d'occupation ou qui y sont morts d'épuisement, de froid ou à la suite d'accidents.


Des recherches effectuées par la Confédération nationale des évadés de France internés en Espagne, il résulte que 33 000 français, dont 460 femmes, se sont évadés de France par l'Espagne de 1940 à 1944. 23 000 se sont engagés dans les armées de  libération dès leur arrivée en Angleterre ou au Maroc; 1 800 ont été remis aux autorités de Vichy par les espagnols, avant le 13 novembre 1942 ;      2 120 ont été pris par les Allemands ou remis à eux par les Espagnols et déportés en Allemagne;  450 ont été abattus par l'occupant, pendant le passage des Pyrénées, ont disparu dans des accidents de montagne ou sont morts dans les prisons espagnoles ;  9 500 sont morts au champ d'honneur pendant les campagnes d'Italie, de France, de Belgique, de Hollande et d'Allemagne.  Enfin 4 000 sont morts ultérieurement au combat en Indochine, en Corée et en Afrique du Nord.


Au  retour nous longeons la crête de Cigalères et passons un peu au dessous du pic de la Hage. Peu après, continuant en direction du pic de Bacanère,  nous atteignons un col  à la frontière franco-espagnole. De nombreux abîmes de part et d'autre de cette dernière, les plus abrupts situés  côté espagnol, me font mieux mesurer aujourd'hui  les risques encourus lors de notre passage clandestin effectué sous une effroyable tempête de neige. Peut-être au fond cette dernière nous aura-t-elle été salutaire. Il ne faisait pas en effet, en ces 25 et 26 octobre 1943, un temps à mettre un "soldat allemand" dehors dans cette partie des Pyrénées.

Après un dernier regard,  nous entamons la descente et rejoignons le véhicule. Nous sommes de retour à Cierp Gaud un peu après 18 heures.


C'est au Chef  SALNIKOFF que je dois d'avoir pu aujourd'hui accomplir ce rêve vieux de 55 ans. Alors que je lui demandais quelques mois auparavant, lors d'une rencontre fortuite,  des renseignements sur les voies d'accès les moins difficiles pour parvenir au pic du Burat, territoire de sa circonscription, il m'avait fort aimablement proposé de me conduire en véhicule tous terrains au plus près du sommet.

A l'intense émotion ressentie par cette mémorable journée, s'ajoute la joie d'avoir été accompagné par ces deux militaires de la Gendarmerie dans laquelle j'ai servi durant 33 ans.

Merci Jean et Henri de m'avoir donné un peu de votre temps, d' avoir adapté votre marche à ma  lente progression entrecoupée de nombreux arrêts. Sans vous, ce projet qui me tenait tant à coeur n'aurait probablement jamais vu le jour.

Mais si cette fois, mis à part mon essoufflement, l'ascension du Burat n'a pas posé de difficultés particulières il n'en fut pas de même cinquante cinq ans plus tôt, sous les heures sombres de l'occupation allemande...

LE PIC DE BURAT 50 ans après...  9 NOVEMBRE 1998


Il est un peu plus de 15 heures, ce lundi 9 novembre 1998,  lorsque après une rude montée, le pic de Burat est atteint. Situé en Haute-Garonne, dans le Luchonnais, entre les vallées de la Garonne et de la Pique ce sommet du massif pyrénéen culmine à 2154 mètres. J'y arrive très essoufflé contrairement à mes compagnons parfaitement frais et dispos.


Pour réaliser aujourd'hui cette ascension, je ne suis pas parti, comme le 25 octobre 1943, clandestinement, en pleine occupation allemande, à pied de la gare de Saléchan, à 1 h 00 du matin, sous une pluie glaciale, mais de la gendarmerie de Cierp Gaud, en véhicule 4x4, à 12 h 45 accompagné du M.d.L. Chef Jean SALNIKOFF commandant la brigade et du gendarme Henri FAVAREL, son adjoint,  sous un soleil radieux, un temps d'arrière saison comme parfois l'automne en a le secret.

Conduit par le gendarme FAVAREL, le véhicule, après avoir allègrement grimpé la route forestière de Gouaux de Luchon à travers forêts et prairies,  nous a déposé, à la suite  d'interminables lacets et après être passé à hauteur de la cabane Salode, aux abords de la cabane Mouscadé, à environ 1800 mètres d'altitude. Nous avons aussitôt attaqué à pied la montée et sommes enfin parvenus au sommet après avoir rejoint le G.R. 10.


Au cours de la montée, j'ai pu admirer le somptueux paysage où le soleil inondait de ses rayons, l'or des bouleaux,  l'ocre et le roux des hêtres,  le rouge des merisiers, tranchant sur le vert des sapins. Et pour parfaire le tableau , encore quelques moutons, chevaux et vaches parsemant  d'autant de touches de couleurs les pelouses jaunies par le gel et les  récentes  chutes de neige dont il ne reste que quelques traces sur les plus hauts sommets. Que nos Pyrénées sont belles ! Et particulièrement aujourd'hui comme si, elles aussi, avaient tenu à embellir encore plus cette merveilleuse journée empreinte pour moi de tant de souvenirs !

Assis à présent sur la borne dont est coiffé le pic,  je contemple la superbe vue qui s'offre à moi. Quel magnifique panorama ! Au nord s'ouvre la vallée de la Garonne où est niché au loin, le village de Saléchan. Au sud le pic de Bacanère et plus loin le massif espagnol de la Maladetta avec l'Anéto, point culminant des Pyrénées s'élevant à 3404  mètres. A l'est et à l'ouest une succession de pics que mes deux camarades, montagnards émérites, n'ont aucun mal à identifier. Ils me montrent également l'itinéraire probable emprunté au départ de Saléchan pour parvenir au Burat, en octobre 1943,  ainsi que le point possible du passage de la frontière.

Avec MM. Salnikoff et Favarel au Pic de Burat, 9/11/98

Pour toute question sur ce récit, contacter la créatrice du site

Pic de Burat

Haute Garonne

Paul MIFSUD connaît bien les frontières et les bornes !


Au cours de sa carrière dans la Gendarmerie d'Outre-mer, il participa en qualité de chef d'équipe pour l'Institut Géographique National, à la mission de délimitation de la frontière Guyane française--Brésil.(1956/1957)

Cette mission dirigée par l'ingénieur géographe P. Hurault fut réalisée par une équipe qui comprenait notamment: Pierre Frenay, de l'IGN et le Dr Bois.
Un film documentaire a été réalisé sur cette mission.


Pour en savoir plus….


« Les Sept bornes du désert vert »