En août 1943, n'ayant pas encore été contacté par l'organisation ci-dessus et craignant de voir la guerre s'achever avant d'avoir pu participer à la moindre action,  je pris la résolution de passer en Espagne dans l'intention de rejoindre les Forces Françaises Libres. En septembre, au café LASSERRE à St-Martory, je fis la connaissance du passeur BORDES, alias BORDERES ou BLANCHARD, pensionnaire de cet établissement, avec lequel je sympathisais très vite. Après lui avoir fait part de mes projets, il m'assura de son concours pour me conduire en Espagne à titre gracieux. Le prix de ces passages était  parfois très élevé, en tout cas, au dessus de mes moyens.


Mon père exerçait à Saint-Martory, le métier de cordonnier. Il m'élevait seul depuis le décès de ma mère, survenu lorsque j'avais 7 ans. Il trouvait l'entreprise de ce passage des Pyrénées trop périlleuse, mais malgré ses réticences je résolus de me lancer tout de même dans l'aventure.


Un camarade de Saint-Martory, Jean GAUBERT, au courant de mon intention de franchir la frontière franco-espagnole, décidait de se joindre à moi et me chargeait d'en parler au guide. Après l'assentiment de ce dernier, la date de départ fut arrêtée au 25 octobre. Mon père fut un peu rassuré d'apprendre que je serais en compagnie d'un camarade d'enfance pour effectuer cette hasardeuse randonnée.


Je faisais part à Jean DURAND de ma décision et l'informais de mon prochain départ l'invitant à  partir avec moi. Il me faisait savoir qu'il ne pouvait se libérer à ce moment là car il devait effectuer diverses missions pour le compte de la résistance.


BORDES, qui avait déjà effectué plusieurs passages d'évadés en Espagne avec succès, était secondé occasionnellement dans ses entreprises de trois autres guides. Deux de ces derniers que je connaissais bien, étaient de Saint-Martory.


Le 21 octobre, me trouvant au café LASSERRE en compagnie de BORDES, un des deux guides ci-dessus auquel ce dernier avait confié 17 patriotes pour les conduire en Espagne, nous rejoignait et apprenait à son chef que toutes les personnes dont il avait la charge avaient été arrêtées par les allemands qui avaient aussitôt renforcé la surveillance de la frontière. Lui seul avait pu se sauver ! Furieux, BORDES sortit le revolver dont il ne se séparait jamais et voulut en faire usage contre son guide. Plusieurs personnes se trouvant là s'étant interposées, nous réussissions à faire sortir du café l'intéressé qui s'empressa de disparaître. BORDES lui ayant promis de l'abattre à la première occasion, il quitta la région sans laisser d'adresse. Le passeur, une fois calmé, me demandait si, après cet échec, j'étais toujours décidé à partir. Il fut heureux d'apprendre que rien ne me ferait changer d'avis et que j'étais prêt à tout affronter.


Nous apprendrons le lendemain que le guide indélicat était entièrement responsable de l'arrestation de ses malheureux passagers, les ayant abandonné  bien avant d'avoir atteint la frontière.


Le lundi 25 arrivait enfin et c'est avec une infinie tristesse qu'en début d'après midi, mon père et moi nous nous faisions nos adieux.


RECIT TÉMOIGNAGE DE PAUL MIFSUD Évadé de France en 1943


Des Rives de la Garonne à la Méditerranée

Journal de guerre d'un marin du Torpilleur « Tempête » 1943--1945

Paul MIFSUD,

l'ascension

RETOUR à L' HISTOIRE

de Robert LEON, mon père

MOTIVATIONS

ET

PRÉPARATIFS DE L'ÉVASION



Natif du petit village de Saint-Martory, dans la Haute-Garonne, de mère française, originaire du Comminges et de père britannique, originaire de l'île de Malte, j'acquis tout naturellement à ma naissance la nationalité de ce dernier. Je passai toute mon enfance dans cette localité, sans problème particulier inhérent à ma qualité d'étranger, considéré par tous comme un enfant du pays. Ce n'est qu'après la défaite des troupes françaises en 1940, suite à la déclaration de guerre de la France à l'Allemagne en 1939, que surgirent quelques contraintes, liées à ma nationalité, parmi lesquelles notamment, l'obligation d'être en possession d'un sauf conduit délivré par la Mairie, pour tous mes déplacements en dehors du canton.


C'est ainsi que je fus amené à demander la nationalité française qui me fut conférée, en application de la loi du 10 août 1927, à la suite d'une déclaration devant le juge de paix du canton de Saint-Martory, le 7 juillet 1941, enregistrée au Parquet du Procureur de la République de Saint-Gaudens le 13 août 1941.  J'étais alors âgé de 16 ans.


Entièrement dévolu depuis le début de la guerre à la cause des alliés, mon père, après la capitulation de la France, fit l'acquisition d'un poste radio principalement destiné à capter les émissions de Londres afin d'être plus objectivement informé sur la marche des hostilités. Personnellement, je désirais prendre une part active à la lutte contre l'occupant le plus rapidement possible.


Mon ami Jean DURAND de Saint-Martory, connaissant mes sentiments m'avait informé de son appartenance à un réseau de résistance, "Libérer Fédérer", dirigé par Charles SURAN de Boulogne sur Gesse et demandé ma participation éventuelle dont je l'avais spontanément assuré.

Le pont sur la Garonne à Saint Martory

Source: www.randonnees-haute-garonne.fr

Source: http://www.ville-st-girons.fr/bienvenue/actualites/chemin_liberte/chemin_05.htm 

ET  http://www.ariege.com/histoire/cheminfr.html

LE CHEMIN DE LA LIBERTE

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