RECIT TÉMOIGNAGE DE PAUL MIFSUD Évadé de France en 1943


Des Rives de la Garonne à la Méditerranée

Journal de guerre d'un marin du Torpilleur « Tempête » 1943--1945

Il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir. La descente continue, raide et glissante. Nous devons nous accrocher à la moindre aspérité pour éviter les chutes. Nos mains, douloureuses, sont couvertes de blessures. Il y aura encore des passages difficiles et dangereux mais rien de comparable à ce que nous venons de vivre.


Enfin nous parvenons au début de la vallée. Il neige encore mais avec moins d'intensité. Nous avons perdu tout contact avec les retardataires et nous sommes nombreux à penser que tous n'arriveront pas à nous rejoindre. Après une pause, notre groupe se fractionne. Quelque uns se remettent en marche. Avec quelques autres, nous attendons, avec la plus vive inquiétude, l'arrivée hypothétique des manquants.  Il est environ 15 heures et la neige,  peu à peu,  cesse de tomber.

Quelques minutes plus tard, seuls cette fois, Jean et moi, reprenons l'interminable descente savourant la joie d'être sortis de cet enfer. Nous nous remémorons des souvenirs de notre cher village que nous avons l'impression d'avoir quitté depuis  une éternité.


Au cours de notre cheminement nous apercevons un village niché au fond de la vallée, probablement Lès, dans le val d'Aran. Sous le couvert d'un bois, nous ressentons l'impérieux besoin de nous reposer et en profitons pour nous restaurer. " Nous revenons de loin " dis-je à Jean ! Si à cet instant une profonde émotion nous étreints nous avons une pensée pour nos camarades d'infortune restés derrière nous et à l'égard desquels nous nourrissons toujours autant de crainte.   

RETOUR

Paul MIFSUD,

L'Espagne !

RETOUR à L' HISTOIRE

de Robert LEON, mon père

Revigorés nous poursuivons notre marche et arrivons à l'embranchement de deux sentiers. Nous en prenons un au hasard. Un quart d'heure après environ nous apercevons en contrebas deux cabanes de bergers. Un filet de fumée monte de l'une d'elle. Arrivés à une vingtaine de mètres, nous avons la joie de voir sortir de cette dernière un de nos camarades qui nous crie "Ohé, venez vous réchauffer. Nous avons fait un bon feu". Nous nous précipitons vers les cabanes et nous installons auprès du feu salvateur. Nous sommes trempés jusqu'aux os. A la demande de nos amis nous demandant si nous avions des nouvelles des autres membres de l'équipée, nous ne pouvons que répondre par la négative.


Il est 16 heures à présent. Chacun sort à tour de rôle pour guetter une arrivée éventuelle de nos camarades. Quelques minutes plus tard, toujours sans nouvelles de ces derniers, BORDES, accompagné de quelques courageux ayant repris quelques forces, remontent la vallée à la rencontre de nos malheureux compagnons que nous n'avons plus beaucoup d'espoir de revoir. Et l'attente recommence, toujours aussi angoissante. Après un long moment cependant, nous entendons des bruits de voix provenant du haut de la vallée et peu à peu apercevons quelques silhouettes. Nous attendons le coeur battant, la peur au ventre et, quelques minutes plus tard, ô miracle, entendons: "Nous arrivons au complet". Est-ce vraiment possible ? Saisis d'une joie immense nous nous élançons vers eux.


A 17 heures, nous sommes tous réunis autour du feu. Qu'il est bon de se retrouver au complet après cette invraisemblable randonnée. Sans nous connaître pour la plupart d'entre-nous, nous échangeons des propos amicaux et chacun de raconter les péripéties qu'il vient  de vivre. A ce moment précis un lien très fort nous unit.


Après nous être séchés nous mangeons un peu mais écrasés de fatigue nous nous allongeons dans le foin et ne tardons pas à tomber dans les bras de Morphée.


Enfin, après des moments de découragement, d'anxiété, de cruelles souffrances nous nous trouvons à présent dans un pays neutre, même si la neutralité de ce dernier est toute relative. Nous avons réussi à échapper à l'étreinte nazi et sommes désormais des français libres, malgré une loi de VICHY selon laquelle, tout français quittant clandestinement le sol de France, est déchu de la nationalité française.

Le Val d'Aran. Source: www.lleidatur.com/galeria/valdaran.

La frontière espagnole entre les pics de Burat et de Bacanère

Photo P. Mifsud

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