Evadés de France par l'Espagne, avez-vous dit ?...

Dans le droit fil de l'Appel du 18 Juin 1940, c'est l'appellation et l'histoire d'une poignée de français qui décidèrent un jour de tout abandonner, travail, études, famille, amis et de le faire au péril de leur vie pour rallier les Forces Françaises Libres devenues Forces Françaises Combattantes après le débarquement allié en Afrique du Nord.



Pour rejoindre Londres et plus tard Casablanca, une seule voie semblait alors possible : franchir les Pyrénées et traverser l'Espagne en s'appuyant sur des réseaux constitués pour les plus chanceux, au hasard des événements pour l'immense majorité. Tous connurent alors pour de longs mois, internement, prisons, camp de concentration, sévices de tous ordres, faim, maladies et parfois l'épuisement et la mort.


« Mañana ! »


"Mañana !" ("Demain") répétaient chaque jour leurs gardiens, "Demain, vous serez libres, tous !" Mañana... Mensonges délibérés mais dans le coeur des prisonniers demeurait la folle certitude de la bataille à venir, de la bataille qui les verrait un jour revenus les armes à la main participer à la libération du sol natal.


Mañana !!!


Catalyseur de leurs peines comme de leurs espérances, de leur internement comme de leur combat, ce "Manana" est devenu le symbole même de leur évasion de France : marque d'union, il figure sur l'insigne qu'ils portent.



1) - La traversée des Pyrénées commence dès 1940 mais c'est à partir de Novembre 1942, date marquée par le débarquement des troupes alliées en Afrique du Nord entraînant l'invasion de la France entière par les troupes allemandes, que le rythme des passages et les périls encourus s'intensifient.


La zone frontière devenue zone interdite dans sa totalité est sillonnée sans cesse par les patrouilles allemandes, des agents doubles se sont infiltrés parmi les passeurs, les embuscades en montagne se soldent chaque fois par la mort et la déportation en Allemagne : les Évadés capturés y rejoignent certains de leurs prédécesseurs malheureux que trop souvent après les avoir internés, les Espagnols ont remis aux autorités allemandes.


4 000 d'entre eux, accidentés en montagne, abattus ou déportes auront payé de leur vie le rêve qu'ils avaient fait.

Ces pages sont consacrées aux Evadés de France par l'Espagne, durant la seconde guerre mondiale.


Elles ont été réalisées grâce à la précieuse collaboration de Monsieur A. LEMAIRE, Capitaine de Vaisseau, président de l'Association (Var, Alpes Maritimes, Corse, Haute Provence) des Combattants Volontaires Evadés de France par l'Espagne. A. LEMAIRE m'a transmis plusieurs documents et récits que j'ai le plaisir de vous présenter ici.

« Ils choisirent la périlleuse aventure du passage des Pyrénées pour l'honneur de servir ».

Maréchal J. de Lattre de Tassigny.

2) - C'est une amère désillusion qui s'abat sur ceux qui ont réussi et pensent avoir conquis après le passage de la ligne des crêtes une amorce de liberté et de réussite : ils sont arrêtés en masse sur le versant espagnol et traités aussitôt avec la plus extrême brutalité.



L'Evadé de France est considéré comme un terroriste et traité comme tel. Il va dès lors connaître un régime carcéral et concentrationnaire qu'il n'avait jamais imaginé. Rien ne lui est épargné ; menottes au poignet, on le traîne de prisons en prisons dans le seul but de lui faire perdre toute personnalité, tout espoir, toute notion d'une délivrance proche ; on l'entasse dans des cellules qui ne sont prévues que pour un ou deux prisonniers et qu'il partage avec douze de ses camarades, parfois plus, sans couchages ni couvertures, dormant à même le ciment dans le froid ou la chaleur torride des étés espagnols. Par tous les moyens on tente de le déshumaniser.


La discipline est féroce, les coups de crosse pleuvent à la moindre incartade, certains jours au petit matin, on va jusqu'à le contraindre à assister aux exécutions de prisonniers politiques espagnols avec promesse que son tour viendra demain, en tout cas bientôt.


Dans cet univers, pour survivre et la rage au coeur, on échange ses vêtements et objets personnels contre de la nourriture. La vermine partout présente dissémine un éventail largement ouvert de maladies infectieuses, la dysenterie est le lot de tous : elle devient célèbre sous le nom de "mirandite" (camp de concentration de Miranda).




3) - Cependant, Stalingrad tombe en hiver 1943 et l'Espagne qui sent tourner le vent de la guerre devient peu à peu perméable à l'idée d'un élargissement des prisonniers. Prenant le relais de l'Ambassade de Grande-Bretagne, les services de la Croix-Rouge à Madrid s'y emploient.


Echangés contre du blé, des phosphates et des matériels divers dont l'Espagne a le plus grand besoin, les Evadés de France vont être regroupés en convois et, par le Portugal d'abord, Malaga, Algésiras et Gilbraltar ensuite, acheminés vers Londres et surtout Casablanca.


4) - 23 000 d'entre eux s'engagent aussitôt dans les Forces Françaises qui réorganisées, dotées en matériel moderne, réentraînées de façon intensive, vont devenir les Armées de Libération. Leur courage, leur foi en l'avenir, leur jeunesse enthousiaste donnent une nouvelle force aux unités d'élite qu'ils choisissent, Corps expéditionnaire en Italie du Général Juin, Armée De Lattre, Division Leclerc, Première Division Française Libre, parachutistes, commandos, aviation, marine, service spéciaux : présents partout leurs effectifs constituent jusqu'à 35 % de la Division Leclerc (Deuxième Division Blindée) et la presque totalité des Commandos.


Lorsque l'Allemagne capitule, le serment est tenu, le but ultime atteint, mais terrible est aussi l'impôt du sang : 9 500 d'entre eux ont donné leur vie lors des combats de la Libération, 4 000 autres, à nouveau combattants volontaires, mourront pour la patrie sur les sols de Corée, d'Indochine et d'Algérie.


Peu d'anciens combattants auront payé un aussi lourd tribut à l'Histoire de France.

5) - Quand sur les champs de bataille la mort fauche les premiers, ils sont déjà porteurs, Résistants au sens le plus pur, le plus noble du terme, de la Médaille des Evadés et de la Croix du Combattant volontaire ; ils sont aussi titulaires, payées par un interminable emprisonnement, de la Croix du Combattant volontaire de la Résistance et de la Médaille de l'Internement pour faits de Résistance.


Nous, les survivants, ne sommes plus qu'un millier, 1500 peut-être... 

Nous voulons témoigner.


Dans un monde bouleversé où les chemins suivis par les Pères ne conduisent plus les Fils, nous voulons dire aux jeunes générations que rien n'est jamais perdu pour qui sait conserver foi, espérance et volonté, que les Nations comme les hommes ont une âme, elle-même forgée dans une longue suite de gloires, d'espérances, d'échecs et de victoires, que sublimées s'il le faut jusqu'au sacrifice, les notions d'obligation et d'effort demeurent deux des valeurs fondamentales du patriotisme comme de notre vie quotidienne, que tout destin personnel enfin est à jamais porteur de celui du Pays.


Puisse notre message être écouté.

Deux vieux cargos mixtes dont la silhouette demeure chère à leur coeur, le "'Gouverneur Général Lépine" et le "Sidi-Brahim" assureront leur transport sous escorte de navires de guerre dont certains sont français : à bord règne le recueillement d'une liberté retrouvée, au dessus d'eux flotte le pavillon national.

Le Camp de MIRANDA de Ebro

Pyrénées de la Liberté

L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DES  COMBATTANTS VOLONTAIRES ÉVADÉS DE FRANCE PAR L'ESPAGNE, St AUGULF 17 avril 2008

Une plaque Mémorial dévoilée et inaugurée le 26 Novembre 1993 à l'Hôtel des Invalides rappelle leur sacrifice.


Ne les oublions pas.

Inspirés par une conviction profonde, l'Amour de la Patrie et de la Liberté, blessés dans leurs corps comme dans leur âme, ils s'inscrivent dans l'immense lignée de ceux qui, au cours de la longue histoire de notre Pays, ont fait du culte de l'honneur une vertu nationale.


Oubliés des historiens parce que peu nombreux, ils n'en furent pas moins le fer de lance de l'Armée Française, retrouvée et victorieuse aux côtés des Alliés.


Ils s'appellent les Évadés de France.


Monument aux Evadés de France devant la Mairie du 16e Arrondissement de Paris.

Bref Rappel historique

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La filière Espagnole


LE FILM DOCUMENTAIRE sur le parcours des
Évadés de France, est désormais disponible en DVD. Pour en savoir plus ou commander en ligne, merci de cliquez ici.


Durée : 52 minutes - Année : 2007 - Lieu : France, Espagne - Réalisateur : Guy Teissandier
Producteur
: Les Productions de l'Ours, Jean-Claude Montagné - Editeur : Les Productions de l'Ours