Pendant ce temps, le 152° régiment du Génie progresse , répare, reconstruit et s'installe à Hard am Bodensee puis Bludenz… (suite)

1945  de l'ALSACE à l'AUTRICHE

5 novembre

L'ultime défi de la 1re Armée Française (suite)

d'après le livre "Les vaincus seront les vainqueurs"

de J.-C. NOTIN, éd. Perrin.


Stuben, au pied de l'Arlbergpass. On peut voir, en agrandissant, la route par laquelle débouchèrent les hommes de De Castries

Durant la nuit, 3 jours de vivres et des munitions sont distribués, les raquettes et les skis préparés. Un groupement est formé aux ordres du commandant de Castries et du capitaine Lions. Aux cent chasseurs de la compagnie Ruby se sont joints une section d'éclaireurs skieurs et un groupe du 2e escadron du 3e spahis marocains du capitaine Gibert.

Au matin du 5 mai, le détachement pénètre dans la vallée du Kleinwasertal sous l'acclamation des villages traversés. La neige recouvre la région, bloquant la route aux automitrailleuses. Les équipages continuent la route à pied, une simple couverture en bandoulière.

L'expédition alpestre progresse dans le froid et dans 2m de neige. Une quarantaine de partisans autrichiens, faiblement armés, commandés par un ancien légionnaire français, est venue à Baad pour proposer ses services de guide. Les officiers français acceptent. Leur aide, de fait, est précieuse, car le chemin passe par des versants a pis qu'il vaut mieux connaître. Des colonnes ennemies sont rencontrées mais elles n'opposent qu'une résistance de pure forme. Le refuge de Hochkrumbach est atteint. Deux cents prisonniers sont convoyés vers l'arrière. Après une courte pause, les spahis et chasseurs alpins reprennent leur marche vers la station de ski de Warth, dont le maire se porte à leur rencontre pour leur souhaiter la bienvenue. En tête de colonne, les spahis sont entrés dans une autre grande station, Lech, décorée de drapeaux français confectionnés par des prisonniers yougoslaves. Un colonel allemand qui se présente drapeau blanc à la main part dans une colère noire quand il comprend que ses interlocuteurs sont français et non américains et encore plus quand il se retrouve encadré par deux Marocains.

FERNPASS

Vers Col de Resia

7/5/45

Quatre km plus au sud, la station de Zürs accueille les Français le 6 mai à midi. Après un repas pris dans un de ses prestigieux hôtels, l'équipée reprend et devient de plus en plus difficile. Non seulement les conditions sont rudes mais il faut se hâter pour devancer à St Anton, distante d'une dizaine de km, les Américains qui accourent de l'Est. L'épaisseur de neige est telle que les chevaux s'en trouvent prisonniers. Certains roulent sur la pente pour aller se fracasser dans le ravin. A chaque fois, les spahis en sont quittes pour redescendre récupérer armes et munitions et les remettre à dos. A 16, le village de Stuben, au pied du col de l'Arlberg, est atteint. Chasseurs et spahis escaladent ensuite le col où l'ennemi, qui ne doutait de rien, a stocké son matériel tout au long de la piste.

A 17h, ils basculent de l'autre côté et deux heures plus tard, St Anton tombe. Landeck, carrefour vers l'Italie, n'est plus qu'à 20 km à l'Est. La commandant de Castries y téléphone en hâte, mais c'est un américain qui lui répond. Cette fois, plus de doute, la 7e armée de Patch a bien devancé les Français. C'est elle qui va faire la jonction avec les troupes du général Clark remontant d'Italie. Le raid des spahis et des chasseurs n'en demeure pas moins une magnifique performance que le maréchal Kesselring juge en connaisseur : « Comme en Afrique et en Italie, les divisions françaises ont montré leur habileté dans le combat de montagne dans lequel le commandement allemand ne pouvait opposer aucune force équivalente ».

L'épopée autrichienne est terminée pour la 1re Armée.

Le 7 mai, après avoir célébré la jonction avec les troupes venues de l'ouest par le tunnel de l'Arlberg enfin dégagé, le lieutenant Crespin emmènera un groupe du 1er Choc planter le drapeau tricolore à près de 3000m dans le massif de l'Arlberg.

Aucun drapeau français n'a flotté plus haut sur les terres du Reich.

En fait les hommes de De Castries ont signé un exploit digne des grandes explorations alpines. Apres le coup d'arrêt donné sur le Fernpass, le général de Linarès, commandant la 2e DIM, ne s'en est pas laissé conter. Puisque les Américains lui ont refusé la route, il s'est avisé de passer par la montagne. Cela supposait de franchir 30 km dans la neige, en franchissant la crête du Widderstein, à 2550m et le col de Zürs, à peine moins haut.

En effet, le 4 mai, le 20e BCA stationné à Immenstadt reçoit l'ordre de regrouper ses compagnies, de choisir cents hommes parmi les plus solides, de les équiper en vue d'une expédition en montagne de plusieurs jours en direction du Tyrol et de se tenir prêts à être transportés par camion dès le lendemain au lever du jour.

Monument français érigé à St Anton, le 21 septembre 1945, pour célébrer la jonction des deux branches de la 1re Armée française. Cliquer pour agrandir. Photos août 2006

Texte: "Ici le 7 mai 1945 s'acheva la victoire de la 1re armée française, par la jonction des troupes du 1er Corps d'armée: 4e Division marocaine de montagne et 5e D.B., débouchant du Vorarlberg, et 2e Division marocaine venant de Bavière".